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Aux confins de la Loire, loin des Bourgeuil, Sancerre et Chinon, se cache une appellation souvent méconnue des amateurs de vin: les Fiefs vendéens.
L’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) est assez récente puisqu’elle a été obtenue en 2011, versus en 1936 pour les Sancerre blancs par exemple… Cinq entités se partagent l’appellation, cinq terroirs bien différents (sans compter la multitude de terroirs au sein d’une même entité, parfois à quelques kilomètres d’écart). On retrouve ainsi, dans l’AOC Fiefs vendéens, les vins de Brem-sur-mer, les vins de Mareuil, ceux de Pissotte, ceux de Vix, et enfin, derniers arrivés, les vins de Chantonnay.
Et les vins produits dans cette partie de la Loire sont assez surprenants. Bien différents des vins que l’on retrouve ailleurs dans le Val de Loire, en Touraine ou en Anjou-Saumur par exemple (découvrez à ce sujet l’article « 12 vignobles à découvrir sur les routes de la Loire »). La Vendée a en effet l’avantage d’être tournée vers le Sud, un pied dans la Loire, l’autre déjà dans le Sud-Ouest, au vu des cépages cultivés.
Notre route des vins Fiefs vendéens nous a menés dans 5 vignobles (sur une vingtaine de producteurs vendéens), entre Nantes et La Rochelle, à la découverte de terroirs uniques et de vins cosmopolites.
Petit tour des découvertes de ces quelques jours en Loire atlantique, sur la route des vins des Fiefs vendéens.
Sur les 115 hectares de l’entité de Brem-sur-Mer, le Domaine Saint-Nicolas en cultive 40 en biodynamie. C’est-à-dire que Thierry Michon, le maître des lieux, n’utilise pas de pesticides (ou autres produits chimiques) ni de levures industrielles. Mais il va encore plus loin en accompagnant la vigne de façon naturelle afin de la fortifier. Compostage de fumier, tisane d’orties, vendanges manuelles: place à la nature! Comme le dit Thierry Michon, « l’art d’être vigneron, c’est l’art de respecter la terre ».
Les vignes sont réparties sur différents terroirs, entre l’Île d’Olonne, Brem-sur-Mer et Bretignolles-sur-Mer. Les vignobles sont bordés de plages, de marais salants et de forêts, le tout dans un microclimat. Sans surprise, les vins produits ont donc des arômes variés et complexes. Et on y retrouve aussi bien des vins de soifs que des vins de garde.
A la cave du Domaine, nous avons pu goûter 12 vins (de 10 à 42 euros), dont 3 vins qui ont retenu toute notre attention:
Reflets rouges, 2017
Ce vin rouge de la Cuvée Prestige assemble quatre cépages du coin: le Gamay, le Cabernet Franc, la Négrette et le Pinot Noir, majoritaire ici. Cela donne un vin fruité (sur le cassis et la cerise) et long en bouche, avec toutefois une note un peu acide sur la fin. Encore un peu jeune, mais il ne demande qu’à vieillir en cave pour mieux se révéler quatre ou cinq ans plus tard. (13€ / bte)
Haut des Clous, 2016
Ce vin blanc 100% Chenin, de la Cuvée Réserve, offre un nez plutôt boisé, aux arômes de fruits secs. La bouche est vanillée, assez complexe, avec une jolie matière. C’est long, c’est ample, c’est concentré en goûts. Bref, c’est bien agréable! Même si à 24 euros la bouteille, ce n’est pas accessible à toutes les bourses… Mais c’est un vin de garde qui se boira encore 10 ans après.
Le Poiré, 2014
Egalement classé en Cuvée Réserve, ce vin rouge 100% Négrette (un cépage local que l’on retrouve également dans le Sud-Ouest dans l’appellation Fronton) est expressif au nez, on sent les 15 mois de barrique derrière. En bouche, l’attaque est fruitée et épicée à la fois. Un vin rond et robuste (le bois est présent du début à la fin) qui peut se garder plus d’une dizaine d’années. A boire avec un accompagnement qui tiendra la longueur, comme une viande en sauce par exemple. Bonne découverte! (24€ / bte)
Après avoir travaillé plus de 10 ans à Sancerre et avoir ouvert un bar à vins en Touraine, Eric Sage a débarqué en Vendée en 2016 et a repris le Domaine de la Rose Saint-Martin, qui était dans la famille de Denis Roux depuis 1832. Autant dire que ses vignes centenaires sont chargées d’arômes!
Les 15 hectares du Domaine Eric Sage, répartis en 12 parcelles dont une partie fait face à la mer, sont cultivés en bio, avec un très faible rendement: +- 20 hectolitres à l’hectare. A titre de comparaison, du côté de Bordeaux, on estime à 30-40 hl/hectare le rendement pour un grand cru! Chez Eric Sage, on préfère la qualité à la quantité. Et ça se goûte.
« Le sol est un milieu vivant, l’origine du terroir dans le vin », comme le dit si bien Eric. Ici, pas de produits de synthèse, pas d’engrais chimiques, pas de désherbants, mais des vignes qu’on laisse respirer et un cheval pour aider à travailler la terre afin de ne pas abîmer les pieds de vigne centenaires… En effet, un tracteur aurait pour inconvénient de tasser le sol et de l’asphyxier en l’empêchant de respirer. Eric tient à préserver les propriétés uniques de son vignoble qui donne des vins « sans pareil ».
Voici 3 vins, sur les 7 dégustés, qui méritent de s’y attarder. Ils sont d’ailleurs repartis avec nous…
Grand Large blanc, 2017
80% de Chenin, 15% de Chardonnay et 5% de Grolleau gris: voici l’assemblage de ce vin blanc bien fait. Le Chenin donne la fraîcheur et le fruit, le Chardonnay confère le côté plus rond. En bouche, c’est frais mais pas trop vif, c’est long, onctueux avec une jolie longueur. (7,75€ / bte)
Bout’au Vent, 2017
Un 100% Chenin Vieilles Vignes, sans sulfites, qui annonce au nez un vin complexe, avec des arômes de fruits secs et des arômes plus empyreumatiques (c’est-à-dire qui font référence à un arôme de brûlé: du pain grillé, la fumée, du tabac…). Et pourtant, ce vin a été élevé en cuve inox et non en barrique. Mystère… En bouche, c’est encore un peu jeune, mais vu le potentiel de ce vin, on le laisse évoluer 1 à 2 ans en cave pour un joli résultat. (11€ / bte)
Les 3 éléments, 2016
Voici le retour d’un cépage oublié depuis le 12ème siècle, la Négrette, que les Fiefs vendéens ont remis à l’honneur! Ce vin rouge offre un nez complexe, avec des arômes de fruits noirs, des notes épicées, un côté torréfié. Les vieilles vignes donnent une bouche très expressive, puissante même. Mais ce vin reste fin malgré tout, avec une jolie longueur boisée. Le nom quant à lui fait référence à l’association des 3 éléments qui influent sur ce vin: l’air marin, l’eau salée de l’Océan et le feu, sous forme de lumière. Ce vin produit à 800 bouteilles n’est disponible qu’un an sur deux. Il faut donc faire ses stocks.
Depuis 1948, ce vignoble de 90 hectares, aux mains de la famille Jard, accumule les bons points: une culture raisonnée, une large variété de vins produits et des vignes centenaires résistantes au phylloxéra (un insecte américain destructeur qui a décimé la quasi totalité du vignoble français à la fin du 19ème siècle, à part quelques irréductibles vignes gauloises, plantées sur des sols sablonneux notamment).
Au Château de Rosnay, on plante autant de Chardonnay que de Chenin pour faire les blancs, et les cuves inox se partagent les lieux avec autant de barriques. Les vins rosés sont élaborés à partir de Gamay (le cépage principal des vins du Beaujolais) et de Pinot Noir (le cépage des grands vins de Bourgogne). Les vins rouges sont généralement faits d’assemblages de Cabernet Franc, Gamay, Pinot Noir et Négrette (pour respecter le cahier des charges de l’appellation Fiefs vendéens), avec pour certains des sélections parcellaires dont les raisins sont de qualité supérieure. La gamme est complétée par des bulles blanches et rosées, ainsi qu’une gamme de Vins de Pays, en monocépage (une seule variété de raisins dans la bouteille) mais sans l’appellation Fiefs vendéens du coup.
Et de ce que nous avons goûté, 3 vins de la famille Jard se démarquent:
Héritage
Ce vin blanc élaboré à base de Chenin et de Chardonnay allie fraîcheur et élégance. Entre arômes fruités et boisés (ce vin est vieilli en fût de chêne), l’Héritage est un vin d’accompagnement plutôt que d’apéro, qui ira à merveille avec des fruits de mer par exemple. (5,50€ / bte)
Mareuil d’Antan
Un vin rosé délicat, au nez vif et frais, sur les petits fruits rouges acidulés. En bouche, l’acidité est la ligne directrice de ce vin de soif, léger, fruité et facile à boire. (5,60€ / bte)
La Richelieu
En référence au Cardinal Richelieu, à qui appartint ces terres et qui fit don des vignobles de son évêché aux plus nécessiteux, la cuvée Richelieu est élaborée avec un assemblage de Négrette (ce cépage quelque peu oublié qui donne des vins peu acides et très aromatiques), et de Cabernet Franc. Un vin fruité, un peu tannique et assez expressif qui préférera plutôt les viandes fortes (de type gibier) ou les plats épicés. (5,70€ / bte)
A Rosnay, La Rochebuffère est un petit vignoble familial qui ne produit aucun vin d’appellation Fiefs vendéens. Et c’est un choix assumé par Alain et Anne-Christine Chauveau, afin de pouvoir créer leurs assemblages comme bon leur semble et de tirer le meilleur de leurs vignes, indépendamment des exigences de l’appellation Fiefs vendéens.
Les 4,8 hectares (la précision est importante), cultivés dans une logique raisonnée et vendangés à la main, permettent de produire 1 vin blanc, 2 rosés et 3 rouges.
Le Blanc, 2017
73% de Chenin et 27% de Chardonnay pour ce vin ouvert et expressif, aux arômes de fruits blancs et à la vivacité bien marquée. En bouche, la minéralité l’emporte, tout en alliant souplesse et fraîcheur. Un vin non filtré, élaboré avec des levures indigènes pour respecter le terroir, et qui met en effet son terroir en avant. Parfait en apéro ou avec du poisson. (6€ / bte)
Le Rosé, 2017
Fruité et alcooleux au nez, il est tout aussi marqué en bouche. Un vin très aromatique qui convient davantage en repas qu’à l’apéro (avec des grillades ou un plat oriental), persistant et bien équilibré, avec peu d’acidité. (5€ / bte)
La Sigalaie, 2017
Cette « petite averse » est un assemblage en rouge de 5 cépages: Gamay (à 35%), Pinot Noir, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon et Négrette. Ça donne un vin fruité, avec une certaine rondeur et des tanins qui s’assouplissent. Aucun marqueur spécifique qui se dégage mais un ensemble qui fonctionne plutôt bien au final. A laisser vieillir encore 1 an au moins puis à carafer avant d’être dégusté avec une viande ou un fromage affiné. (6€ / bte)
Avec 67 hectares en propriété et 60 en fermage, les Vignobles Mourat, ce sont près d’un tiers de l’ensemble de l’appellation Fiefs vendéens en termes de superficie. Et pourtant, malgré le volume, on tient ici à conserver le caractère familial de l’exploitation.
En agriculture bio depuis 2005, les vignobles Mourat produisent une dizaine de références différentes et ont également diversifié les activité du domaine: balades à cheval ou à vélo au détour des vignes, pique-nique au moulin, séminaires… On sent qu’on a affaire à une institution dans la région. Une institution qui produit notre vin coup de cœur!
Manquant un peu de temps, nous n’avons pas pu tout goûté (ce n’est que partie remise…) mais voici 3 cuvées qui sont reparties avec nous:
Ce mousseux 100% Pinot Noir est le résultat d’un travail de 10 ans d’élevage et de sélection avant commercialisation. C’est pour dire le résultat! La bulle est fine et persistante, le nez est frais et boisé, très mature. La bouche est aromatique, fruitée et onctueuse (alors qu’il n’y a aucun ajout de sucre dans la bouteille puisque c’est un Extra Brut). Ce mousseux offre une belle matière, de la longueur, une jolie persistance aromatique. Une vraie réussite !
Pour les curieux, le nom intrigant de ce vin effervescent est la somme d’un millésime et du nombre d’années de vieillissement. 2014, c’est l’année du vin (le millésime donc) qui a servi à produire le vin de base de ce mousseux (en y assemblant d’autres vins plus vieux également afin d’obtenir le goût et la persistance souhaitées). 32, c’est le nombre de mois durant lequel ce vin a été élevé (il a reposé « sur lattes », c’est-à-dire qu’on l’a laissé tranquillement vieillir après la seconde fermentation en bouteille qui permet au vin de devenir effervescent grâce au dégagement de CO2 dans la bouteille). Pour info, le minimum de mois pour un élevage sur lattes est de 12 mois pour un Champagne. Autant dire qu’ici, avec 32 mois, on est large !
Les 80% de Sauvignon et 20% de Chardonnay donnent un vin à la fois fruité (sur les agrumes) et végétal, rond et frais. Cet assemblage original pour un vin de Loire donne un vin blanc très ample aromatiquement, long en bouche, généreux. Un vin passe-partout parfait pour l’apéro. Mon coup de cœur ! Bien que ce vin ne puisse bénéficier de l’appellation Fiefs vendéens en raison de cet assemblage non conventionnel dans la région… (9,85€ / bte)
Ce vin rouge au nez de violette est caractéristique du cépage Négrette. Produit à faible rendement (+-20 hectolitres/hectare) avec des vieilles vignes, élevé en barrique, bénéficiant d’une fermentation malolactique, c’est un vin chaleureux et épicé au nez, très souple et sur le fruit en bouche. Un vin facile à boire.
Dégustation de vins au Domaine J. Mourat, à Mareuil ©Experience Vins